Dynamo Production : tribulations d’une société de production en tournage à l’étranger.

Confinement, reports et restrictions, complications administratives, interdiction de voyager, décalage horaire, attaques à mains armées ! Décidément, il n’est pas facile d’exercer le métier de producteur de films en temps de COVID ! Retour sur une année et demi pour le moins chaotique mais aussi très active, avec Philippe Djivas, producteur au sein de Dynamo Production, qui a bien voulu nous raconter les péripéties d’une « société de prod » en période de crise sanitaire.

Dynamo Production est une société française indépendante qui se consacre à la production de films documentaires, productions et co-productions en France et à l’international depuis 2003. Depuis fin 2019, la société domiciliée au Pôle Pixel à Villeurbanne, a ouvert son activité à la production de films d’animation. Entre 2020 et mi-2021, Dynamo Production a pâti, comme d’autres structures professionnelles des métiers de l’image, de l’impact de la pandémie de COVID-19. On le sait, gérer au quotidien une société de production n’est pas toujours une sinécure, surtout quand ses activités sont internationales. La production audiovisuelle est un domaine qui nécessite beaucoup de souplesse. Les annulations et les reports sont monnaie courante et les acteurs de ce secteur doivent – et savent – faire avec. Pour autant, comme nous allons le voir, la période s’est avérée riche en challenges, parfois difficilement surmontables, même pour un « vieux routard » de la trempe de Philippe Djivas, dirigeant de Dynamo Production.

Gérer une société de production au quotidien…

C’est entre deux coups de téléphones professionnels impossibles à ignorer que nous réussissons à joindre Philippe Djivas pour cet entretien. « Voilà, vous voyez, c’est exactement ça la vie à Dynamo Production ! » s’exclame-t-il. « Nous devons nous aligner sur les horaires de nos partenaires et collaborateurs à l’étranger, sinon il n’est pas possible de travailler. Depuis le début de la pandémie c’est encore plus difficile et astreignant qu’auparavant. Le fait de devoir se retrouver uniquement en ligne, en accumulant les rendez-vous sur Zoom ou autres moyens de communication à distance est le quotidien de la société, mais avec le COVID, nous avons également dû travailler comme ça avec nos partenaires en France », explique l’intéressé. « Heureusement, d’une certaine manière, nous avions déjà cette habitude de travail à distance. Mais nous nous retrouvions quand même lors de repérages, marchés de films, festivals…  C’est ce qui avait vraiment changé, le fait de ne pas se voir et donc de ne pas ressentir les émotions d’une personne à proximité ». « Aujourd’hui, en plus des habituels appels internationaux où l’on doit gérer le décalage horaire, je dois aussi gérer le décalage des mesures sanitaires entre la France et l’étranger. »

Ces derniers mois – comprendre entre décembre 2020 et aujourd’hui – Philippe a dû poursuivre des projets entamés dans le monde entier, et pas toujours dans les endroits les plus faciles du globe, que ce soit en matière de distances ou de situation sanitaire : Amérique du Sud et Caraïbe, Philippines et Nouvelle- Calédonie sont quelques-uns des pays où Dynamo Production avait commencé des projets (repérages, choix de décors et lieux, prises de contacts, prises de vues, tournages, etc.) avant la crise. Bien entendu, avec l’apparition du virus, tous les plannings se sont trouvés bouleversés. « Nous avons subi entre 9 et 12 mois de décalage d’activités », explique P. Djivas.

Repérages et covid, entre restrictions et… braquage !

« En décembre 2020, j’étais en Guyane et au Suriname pendant une quinzaine de jours pour le développement et les repérages d’un documentaire. Je suis revenu en France en janvier, et je suis reparti pour une période similaire en Martinique, toujours pour les repérages d’un autre film. En février et mars 2021, je suis resté en France et avec Quentin Myon, chargé de production au sein de Dynamo, nous avons conçu les dossiers de productions nécessaires à ces projets ainsi que la consolidation de divers travaux pour Tifoli, un projet de série d’animation de l’auteur haïtien Louvenson Saint Juste, que je mène entre la France, Haïti et la République Dominicaine. » Pour développer cette production d’animation, Dynamo Production est en coproduction avec une société haïtienne La fondation MWEM dirigée par Laurence Magloire, et Aurora Dominicana, société de République Dominicaine, dirigée par Laura Amelia Guzman. Le projet a bénéficié d’une aide au développement de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) via le Fonds Image de la Francophonie et le programme européen Clap ACP (développement du secteur audiovisuel des Etats Afrique Caraïbes Pacifique). Cela a permis au réalisateur haïtien d’effectuer des repérages en Haïti et en République Dominicaine. « Il faut savoir que les déplacements étaient restreints en Haïti, comme chez nous. » ajoute le dirigeant. « Cependant, au vue de l’état de ce territoire, rien n’était sous contrôle. En novembre 2020 par exemple, le réalisateur et l’équipe de Tifoli partent dans le nord de l’île à Haïti et là, ils se font attaquer ! Ça a été extrêmement stressant. Nous vivions l’évènement en direct. La coproductrice m’appelait pendant que la réalisateur et le photographe haïtien étaient cachés chez des gens dans un petit village isolé, tandis que leurs agresseurs les traquaient pour leur voler leur matériel, avant de pouvoir enfin rejoindre leur automobile et s’enfuir. Nous avons donc interrompu les repérages. »

Philippe Djivas ne baisse pas les bras pour autant. Le réalisateur poursuit ses repérages en République Dominicaine cette fois. « Nous y sommes allés à nouveau en février, et cela s’est mieux passé, mais cette fois il a fallu faire avec les conditions sanitaires durant cette période de Covid et une obtention de visa assez longue, nécessaire pour se rendre d’Haïti en République Dominicaine ».

L’âme du bois

De mi-mars à mi-avril 2021, Philippe Djivas se rend en Guyane et au Suriname pour le tournage d’un film documentaire de 52 minutes commandé par France Télévisions et TV5 Monde dont les derniers repérages avaient été effectués quatre mois auparavant, en décembre 2020. Le sujet ? « Il s’agit d’un documentaire sur la tradition de sculpteurs chez les marrons – descendants d’esclaves qui se sont révoltés et ont arrachés leur liberté aux colons -, avec comme partenaire l’ONF (l’Office National des Forêts), soucieuse d’apporter une visibilité des liens que l’Homme et la Nature entretiennent en Amazonie guyanaise. Nous avions réalisé les premiers repérages en amont en janvier 2020, puis il y a eu perte d’un an avec l’impossibilité de se déplacer. Un de nos personnages – sur trois – a renoncé… En plus des problèmes de déplacement dû au COVID, nous avons donc dû gérer des préoccupations supplémentaires en production et cela a eu un coût. Nous avons dû réadapter l’écriture. La réaction avec les partenaires a été en chaîne, comme des dominos. C’est aujourd’hui réglé », conclut notre interlocuteur.

Un an de perdu donc, sur cette production, pour Dynamo Production. Et bien des soucis à régler au quotidien dans un monde sous la coupe du COVID-19. « La pandémie pour nous, cela veut dire plus de diffusion de films planifiés sur les chaines de télévision ou dans les festivals, puisque tout est à l’arrêt et en décalage depuis 2020. C’est très problématique également en ce qui concerne le maintien de l’activité car les aides vont arriver à leur fin bientôt avec ce que certains de nos dirigeants nomment « la reprise ». Or, en lieu et place d’une pseudo reprise, nous devons en fait faire face à d’autres difficultés dont l’origine remonte aux reports de productions, aux annulations de diffusions, etc. En tout état de cause, c’est aujourd’hui que les professionnels du secteur doivent être soutenus et aidés, d’où l’importance des aides de l’État. Il y a nécessité de les maintenir aujourd’hui », conclut Philippe Djivas. Qu’il soit entendu.

Par Maxence Grugier, paru le 31 mai 2021.